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MADRID, CARNET DE VOYAGE NOSTALGIQUE

Certaines villes, quelque soit la fréquence avec laquelle on y retourne ou on les oublie, nous rattachent à des souvenirs tellement précis que leur physionomie en est changée à jamais. Madrid ressemblera toujours à quelques mois passées à arpenter ses rues alors que la Movida continuait à imprimer son énergie. Comment les souvenirs se juxtaposent-ils aux changements et au renouveau des villes? Partons explorer un Madrid qui existe peut-être encore, qui nous relie à quelque chose qui a marqué à jamais l’image que l’on s’en fait, pour voir si la nostalgie est une jolie manière de voyager et si le Madrid d’hier continue d’insuffler son esprit dans le Madrid d’aujourd’hui, pour un carnet de voyage un peu différent.

MADRID, C’ÉTAIT HIER

A la fin des années 80 Nilda Fernandez le chantait joliment “Madrid Madrid, le prix que je paye, c’est encore quelques heures sans sommeil, pour me souvenir de toi”. Au début des années 90 la ville était au milieu de rien, enclavée au centre de l’Espagne, pas si simple d’accès (le train à grande vitesse n’était pas encore là, on prenait des trains de nuit depuis la France qui arrivait à Chamartín, ou des avions selon les moyens) mais elle était tout de même au centre du monde: la movida madrileña imprimait sa marque sur tout, ce qui rendait le moment incroyablement excitant : la créativité foisonnante, un style de vie en rythme totalement décalé, du renouveau partout, un côté “auberge espagnole” joyeux

Avoir 20 ans à Madrid à ce moment-là, venir y passer 6 mois, vivre pour la première fois hors du cercle familial, c’était exactement comme dans le film de Cédric Klapisch : milles aventures et découvertes dans la ville qui ne dort réellement jamais.

MADRID, LE RYTHME DE LA VILLE

Car il semble bien que la journée suivait un ordre inversé, qui commençait le soir Plaza Ana dans le bar qui reste ancré à l’encre indélébile dans la mémoire: le Viva Madrid, avec ses murs aux fastueux décors en céramiques, ses tapas généreuses et son ambiance joyeuse. Le bar est toujours là, dans un décor inchangé, juste rafraichit un peu et assagît car repris par l’équipe qui a conçu le Salmon Guru , fabuleux lieu de cocktails sur cette même Plaza Ana, qui a perdu son côté louche par la même occasion. S’ensuivait généralement une virée au Joy Eslava, la mythique discothèque à côté de la Puerta del Sol, jusqu’à sa fermeture au petit matin et au moment où ouvrait la Chocolatería San Ginés  à 2 pas, où l’on allait boire un chocolat épais dans lequel on plongeait des churros régressifs avant d’aller directement en cours. Ah ne pas avoir besoin de dormir! C’est sans doute le seul point qui a réellement changé, pour le reste la Chocolataría est toujours là, adorée des touristes et une belle expérience madrilène.

ARPENTER SES QUARTIERS

De temps en temps il fallait bien donner des nouvelles à la famille, à une époque (s’en souvient-on seulement?) où le téléphone portable n’existait pas et internet était réservé aux spécialistes. On passait donc par l’immense poste centrale de la plaza Cibeles pour poster des lettres, qui reste un bâtiment à visiter absolument même si la poste n’y est plus installée.

Dans les appartement loués aux étudiants, pas de téléphones fixes pour éviter les factures incontrôlables, on passait régulièrement quelques heures dans le grand centre Telefonica de la Gran Vía, installés dans une cabine téléphonique. La Gran Vía était l’artère des cinémas, des magasins un brin kitsch, d’une librairie adorée. Toujours majestueuse son style a considérablement changé avec l’arrivée ces 3-4 dernières années d’hôtels de grands luxes (le Four Seasons, le W notamment) dans une ville qui n’en comptait jusque là qu’un, le mythique Ritz, totalement rénové sous enseigne Mandarin Oriental.

Madrid a connu un fort développement touristique, notamment grâce à la saturation de Barcelone, et s’ouvrant à une clientèle plus élitiste, plus globale. Il faut dire que le Madrid des années 90 avait ses côtés louches, directement issus du mouvement de la Movida, et ses quartiers dont on prononçait les noms avec une petite inquiétude: Chueca, Malasaña… Des noms qui sonnent comme dans des chansons de Manu Chao et qui évoquent toutes sortes d’excès.

Aujourd’hui ces 2 quartiers sont branchés, créatifs, excitants, et ont pris la place des quartiers historiques traditionnels (Puerta del Sol, Plaza Mayor) dans le coeur de ceux qui veulent vivre un Madrid festif et moderne. D’ailleurs 2 hôtels formidables s’y trouvent: le Urso  et le Only You, élégants et intimistes, au coeur d’un Madrid authentique.

Il reste aussi, comme un pied de nez au temps qui passe, la Mallorquina, une vieille patisserie (1894) Puerta del Sol, avec ses gâteaux à la crème et ses bonbons à la violette, qui est restée aussi délicieusement vintage que dans le souvenir et dont le goût ramène toujours des années en arrière.

Madrid bouge, se réinvente, mais reste toujours l’une des villes les plus attachantes d’Europe, à visiter encore et toujours pour y ancrer sa propre mémoire.